Zoothérapie : Ces animaux qui nous aident à reprendre du poil de la bête

En Occitanie, de nombreux professionnels font confiance aux animaux pour soulager troubles et maux des humains. La zoothérapie est en vogue. L’Occitanie est en pointe en la matière, ce qui est en phase avec un sondage récent selon lequel plus de 70 % de Français éprouvent du bien-être auprès d’un animal,

« Regarde maman, il est trop mignon ! » Niché au sommet de l’arbre à chats, l’animal observe avec curiosité les passants arrêtés devant la vitrine. Certains sourient, puis ils poursuivent leur chemin rue Émile-Jamais (Nîmes, Gard), happés par la promesse d’un bel après-midi ensoleillé. D’autres franchissent la porte du numéro 27 et entrent dans le salon de thé, baptisé L’Arène des chats. Créé en avril 2018, il s’inspire des neko cafés japonais, popularisés dans les années 2000. On y mange et on y boit en câlinant des chats. Il compte parmi les cinq établissements du genre en Occitanie: Le Tchatons à Alès, Le Chapristea à Toulouse, puis Les Arestochats et Le bar à chats à Perpignan.

À L’Arène des chats (Nîmes), Nathalie Miroglio veille avec tendresse sur ses petits pensionnaires.
Photos M.D.

 

 

 

 

 

 

 

 

Un calme quasi-religieux attend les visiteurs. Il est rompu par le clapotis régulier d’une fontaine à eau. Il y a aussi tout un rituel à suivre : essuyer ses pieds, faire coulisser une porte en bois et désinfecter ses mains pour enfin pénétrer ce sanctuaire des chats. Les petits félins vont et viennent comme bon leur semble, entre tables, canapés et arbres à chats. Ils y sont adorés et cajolés comme dans l’Égypte antique. C’est à peine si l’on chuchote, par crainte peut-être de troubler leur tranquillité. Cependant, pas de Cléopâtre à l’horizon, mais plutôt des passionnés et des familles, voire d’éventuels adoptants. 

Plusieurs dizaines de chats ont trouvé un foyer depuis la création du salon de thé. Les clichés des heureux élus sont accrochés sur l’un des murs.

« On travaille avec l’association Toutous et Minous « , explique avec fierté Nathalie Miroglio, la cogérante. Les chats sont à adopter. Si des clients ont un coup de cœur, l’association en est avertie puis, elle accepte, ou non. En cas d’accord, les futurs propriétaires payent les frais d’identification et de stérilisation (environ 80 € pour un mâle, 100 € pour une femelle). Plusieurs dizaines de chats ont trouvé un foyer depuis la création du salon de thé. Les clichés des heureux élus sont accrochés sur l’un des murs. 

La présence du chat est réputée pour être apaisante et calmer les personnes anxieuses

Les bars à chats sont conçus par leurs détracteurs comme des « bars à bobos », où les animaux seraient considérés comme des objets. Ils sont aussi suspectés d’exploitation ou de mauvaise hygiène. S’ensuivent parfois des fermetures prématurées, des histoires sordides de maltraitance et des animaux désorientés. 

Nathalie Miroglio s’en défend : « Nous ne sommes pas une usine. Les chats ne sont pas forcés à être caressés ». En ce moment, seuls cinq petits occupants s’y trouvent. « Nous n’en accueillons jamais plus de sept ou huit en même temps. Nous n’en tirons aucun bénéfice. Notre recette est celle du salon de thé ». Elle est épaulée par son frère, Franck. Chaque caresse est faite sous les regards bienveillants et prudents des deux gérants.

Quand un Toulousain s’intéresse à la ronronthérapie…

Grâce à l’émergence des bars à chats, la ronronthérapie se fait connaître en France en 2013. Dès 2002, le vétérinaire toulousain JeanYves Gauchet est cependant le premier en France à lier chats et vertus thérapeutiques. Il prend d’abord connaissance d’une étude américaine, menée par l’association Animal Voice. Elle révèle que les chats victimes de lésions ou de fractures ont cinq fois moins de séquelles que les chiens et s’en remettent trois fois plus vite. Le ronronnement aurait une action réparatrice, réconfortante. Pour s’en assurer, JeanYves Gauchet mène sa propre étude, où il demande aux volontaires d’écouter 30 minutes de ronronnements. Les sujets se disent alors sereins, apaisés. 

Bingo, le ronron est la clé. Ce son est une fréquence basse (entre 25 et 50 hertz), stimulant les glandes du cerveau à l’origine de la sérotonine, l’hormone du bonheur. Sans oublier les caresses. Elles dissipent le stress et calment le rythme cardiaque de celui qui les prodigue. Or, le chat n’est pas l’unique animal auquel on attribue des propriétés curatives. Il forme avec le chien et le cheval le trio de tête de la zoothérapie, cette thérapie s’appuyant sur le lien entre l’homme et l’animal pour soulager maladies et troubles. Les petits animaux et ceux de la ferme sont aussi sollicités.

La zoothérapie est pratiquée par des professionnels de santé. De l’autre côté, on parle d’animation. Cette pratique n’a pas de lien avec le véganisme. »

François Beiger, fondateur et directeur de l’Institut français de zoothérapie (Isère)

Une partie de ses pratiquants préfèrent parler d’intervention en médiation animale, comme Audrey Fronty, de l’association Cani Zen. En réalité, « ces deux termes définissent la même chose, mais la nuance n’est pas négligeable », souligne François Beiger, fondateur et directeur de l’Institut français de zoothérapie (Isère). « La zoothérapie est pratiquée par des professionnels de santé. De l’autre côté, on parle d’animation », indique-t-il. Et quand on lui demande si cette pratique a un lien quelconque avec le véganisme, sa réponse est claire : non.

« J’ai sélectionné chez des éleveurs des animaux qui avaient déjà une prédisposition à la sociabilisation », explique Audrey Fronty. PH. M.D.

Basée à Beaucaire (Gard), Audrey Fronty exerce son activité avec sa collaboratrice, Jennifer Violi. Un grand espace est alloué à la soixantaine d’animaux constituant la ferme. Chiens, poules, canards, cochons, âne, chèvre, mouton, lapins, cochons d’Inde… Ici, pas d’enclos. Seul un portillon sépare les deux parties du terrain. 

Les animaux réparent quelque chose en nous. »

« Ils sont tous très curieux et sociables », s’amuse-t-elle. Chaque visiteur est approché par un joyeux comité d’accueil. Les canards se faufilent entre les jambes et cancanent. Plusieurs paires d’yeux se braquent sur le nouveau venu. Une invitation à avancer. Derrière le grillage, on attend une attention, une caresse. Dociles, ces animaux le sont, sous le regard attentif d’Audrey Fronty ; comme Tirelire, ce cochon noir qui rapplique à l’évocation de son nom.

« Quand il était petit, le cochon blanc a été élevé à l’intérieur, chez nous. Depuis, il est en demande de caresses, comme le ferait un chien. Quant à l’âne, il réclame lui aussi beaucoup de câlins », s’attendrit Audrey Fronty. Ph. M.D.

Audrey Fronty a toujours vécu entourée d’animaux. Le chien occupe une place particulière dans son enfance. « C’était une figure d’apaisement », se souvient-elle. « Les animaux réparent quelque chose en nous. C’est une sécurité, une relation sans aléas : ils ne nous jugent pas ». Après une licence III en sciences de l’éducation, elle travaille quatre ans auprès d’adolescents handicapés. En parallèle, elle est monitrice dans un club canin durant trois ans. Le déclic pour la médiation animale, elle l’a en 2009-2010, en visionnant un reportage sur le père Guy Gilbert et son association, Bergerie de Faucon. 

Elle se forme alors à la médiation animale en 2012, à Aubagne (Bouches-du-Rhône), auprès de l’Association de médiation et d’éveil par les animaux, puis elle se lance en 2013. Elle alterne depuis interventions en extérieur, dans le Gard et les Bouches-du-Rhône (Ehpad, hôpitaux de jour, maison centrale d’Arles), séances auprès de particuliers et ateliers à la ferme. 

Des connaissances nécessaires avant d’exercer

 « L’âne, l’oiseau et le chien apaisent les enfants souffrant de trouble autistique. Le chien, la poule, le lapin et le cochon d’Inde conviennent aux personnes âgées. Elles ont souvent passé leur vie à la campagne, cela ravive des souvenirs. » Néanmoins, « le but n’est pas de multiplier les animaux, mais de développer la sociabilité et l’aptitude à la relation ». Chaque atelier à la ferme se compose de quatre à cinq enfants maximum. À l’extérieur, elle travaille auprès de groupes d’une dizaine de personnes. Les enfants choisissent leurs animations. Il y a une phase de caresses, une autre de nourrissage, puis des exercices cognitifs. Chez les seniors, la mémoire ancienne et les gestes simples sont sollicités.

« Il n’y a rien de miraculeux », mais son activité lui permet d’aider autrui. « J’ai suivi un petit garçon qui avait un trouble de l’attention. Il prenait une voix de dessin animé dès qu’il parlait ; c’était sa manière de se protéger. Quand il a compris que le chien n’arrivait pas à entrer en contact avec lui à cause de ça, il a repris sa voix normale. »

Un bon chien de compagnie n’est pas forcément bon en médiation animale. »

Audrey Fronty

Audrey Fronty met tout de même en garde : « Un bon chien de compagnie n’est pas forcément bon en médiation animale. » L’étude du comportement humain et animal ainsi que l’éducation ne sont pas à négliger. Valentine Rostalski pourrait approuver ce constat. Voilà presque un an qu’elle pratique la médiation animale avec son chien Maïkan, un akita américain. Sa première séance date de juin 2018. « Il était très sociable, déjà tout petit. J’ai senti qu’il avait un potentiel. L’akita américain est proche de l’homme. Ce n’est pas une race modifiée génétiquement : il reste à l’écoute de son intuition. »

La complicité entre Valentine Rostalski et Maïkan s’est encore renforcée par le biais de la médiation animale. En séance d’animation, le tarif est de 105 €, contre 95 € pour une séance programme. Ph. M.D.

Un duo qui ne passe pas inaperçu

Auparavant dans le stylisme et le prêt-à-porter, Valentine Rostalski a changé de vie en faisant primer son attachement pour le lien homme-animal. Elle se forme à l’Institut avignonnais de médiation animale, Agatea, où elle obtient son certificat en novembre 2017. Ce document est devenu un diplôme reconnu par l’État depuis décembre 2018. Une première en France pour la médiation animale. Valentine Rostalski pourra en bénéficier. 

Aujourd’hui, son entreprise Le monde de Maïkan se situe à Saint-Hilaire-de-Brethmas, près d’Alès (Gard). Elle se déplace aussi dans les départements limitrophes. Elle se souvient d’une expérience qui l’a convaincue que son choix était le bon. « On est allés voir une dame âgée, alitée. Elle ne parlait plus et ne bougeait plus. Au début, ça n’a rien donné. J’ai demandé à Maïkan de mettre ses deux pattes sur le lit pour la faire réagir, mais il y est monté. Elle s’est tournée vers lui et elle a souri. On m’a dit que ce n’était plus arrivé depuis longtemps », raconte-t-elle, encore émue. 

Une chose est sûre : ce duo ne passe pas inaperçu, comme lors de ses visites au foyer médicalisé d’Alès. Ils y sont attendus avec impatience par les adultes handicapés et le personnel encadrant. Des sourires par-ci, des caresses par-là, mais Maïkan y est surtout pour travailler une petite heure : félicité via des récompenses, il se laisse brosser sans réticence et réalise des ateliers avec les résidents. Pour certains, la parole se libère. D’autres gagnent en motricité ou en bonne humeur. 

L’Occitanie est en pointe

En Occitanie, une quarantaine de personnes occupent cette activité. La moitié a été formée à l’Institut isérois. La région s’illustre dans cette pratique. En 1991, Marie Vuillemin se passionne en Ariège pour les lamas, devenant plus tard la première en France à pratiquer la lama thérapie. Du côté de Toulouse, à Vacquiers (Haute-Garonne), le centre équestre adapté Equi.libre a reçu en 2017 le label Equi handi par la Fédération française d’équitation. 

Peu à peu, les établissements de santé et maisons de retraite font confiance à cette méthode. En Occitanie, une vingtaine d’entre-eux y ont recours. En janvier 2019, l’Ehpad Gloriande de Séverac d’Aveyron (Aveyron) a accueilli le golden-retriever Mentos. Une première dans le département. Les associations se multiplient aussi à l’échelle régionale. On en compte une trentaine.

Se former à la médiation animale car « il y a de plus en plus de charlatans qui profitent de cet engouement… »

Une ombre plane toutefois sur la médiation animale ou zoothérapie : l’absence de cadre. Il est encore impossible de parler de travail en France. Si les choses vont peut-être changer avec la récente reconnaissance de l’Agatea, ce statut précaire reste préoccupant.

« Il y a de plus en plus de charlatans, de “coachs” qui profitent de cet engouement et exercent sans trop de connaissances », se désole François Beiger. Ils mettent alors en danger animaux et publics fragilisés, comme le regrette la psychothérapeute Nathalie Legendre. « Les animaux ne sont pas protégés par la loi. On risque de se retrouver avec des gens qui font n’importe quoi ». Et d’ajouter : « Il faut un bagage psychologique pour savoir regarder et interpréter les choses, sinon, on passe à côté ou on rejette ses propres problèmes sur l’autre. » 

Des formations françaises, ce n’est pourtant pas ce qui manque. Il en existe environ plus d’une cinquantaine. En Occitanie, l’association AnimalCâlin (Tarn) dispense ses activités entre interventions sur le terrain et formations, le montant s’élevant de 600 € à 700 € pour 35 heures. En trois ans d’existence, 15 personnes y ont été formées et huit stagiaires étudiants ont été accueillis. 

Mélanie DOMERGUE